C’était le matin de ses 30 ans, elle s’éveillait à peine et se maudissait de faire une pseudo-déprime parce que cette année encore c’est seule qu’elle allait passer cette journée, après tout elle n’a rien de plus que les autres 364 jours de l’année … En effet, cette journée était aussi vide et mièvre que les autres.
Le vent soufflait fort en ce mois d’octobre, le jour pointait à peine son nez, elle avait enfilé son jean et un gros pull de laine, puis s’était glissée dans ses bottines.
Elle marchait sur le sable, humant l’air iodé et laissant le vent voler ses larmes … La mer était agitée, des rouleaux furieux venaient s’écraser contre le rivage laissant l’écume bouillonnante le dévorer.
Elle s’était assise comme à son habitude, sur ce gros rocher à la pointe du récif, emmitouflée dans son pull, ses cheveux de jais virevoltant selon les caprices du vent.
Les yeux fermés, elle écoutait la mer et sa mélopée reflétant sa propre mélancolie … Le soleil se levait, elle sentait sur sa joue la chaleur de ses rayons.
Elle ouvrit alors ses grands yeux noirs sur l’océan et c’est avec un frisson d’émotion qu’elle vit se fondre les couleurs en une danse chatoyante et exquise … Mélange d’or, d’orange, de pourpre et de violine dans le bleu azur de la mer … Elle pleurait d’émotion sur ce merveilleux cadeaux que lui offrait la nature.
Elle était tellement subjuguée par le spectacle qui s’offrait à elle qu’elle ne le vit même pas approcher … Silhouette sombre enveloppée dans un long manteau noir, son col relevé ne laissait apercevoir que ses yeux d’un bleu glacier, sa chevelure bouclée était ébouriffée par ce vent si capricieux, lui donnant un air sauvage.
Il l’avait observée et elle était passée devant lui sans même le voir, sa beauté l’avait hypnotisé, sa peau halée, ses yeux sombres et mélancoliques, ses cheveux de jais … Il n’avait pas pu résister plus longtemps à la rejoindre.
« C’est le genre de spectacle qui me met également en émoi, splendide à vous couper le souffle … » dit-il en s’asseyant prés d’elle.
Elle sursauta ne s’attendant pas à avoir de la compagnie de si bonne heure. Ses yeux rencontrèrent les siens et elle sentit le rouge lui monter aux joues. Machinalement, elle sécha ses larmes, un peu honteuse de se donner en spectacle.
Il retint son geste en attrapant son poignet, il lui souriait. De sa main libre, il recueillit du bout du doigt la larme qui venait de naître avant de la porter à ses lèvres sans un mot.
Elle le laissait faire et il serra plus fort sa main dans la sienne.
Cette année, finalement, elle ne sera pas seule pour cette journée comme les autres.
Morwen, 11 juin 2005